A titre de rappel, la plus-value immobilière réalisée lors de la cession de la résidence principale est exonérée d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux par application de l’article 150-U-II, 1° du Code général des impôts.
L’administration fiscale considère que sont constitutives des résidences principales « les immeubles ou parties d’immeubles constituant la résidence habituelle et effective propriétaire » (BOI-RFPI-PVI-10-40-10 n°40).
L’analyse du juge de l’impôt en la matière étant devenue purement factuelle, il apprécie les faits à la lumière d’un faisceau d’indices parmi lesquels :
Tout étant affaire de circonstances, il convient donc d’être attentif lorsqu’on revendique cette exonération qui, si elle est remise en cause par l’administration fiscale, peut entraîner outre l’application logique de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux (19% + 17,2% après application éventuelle des abattements pour durée de détention), l’application d’intérêts de retard mais également d’importantes pénalités.
Par deux récents arrêts en effet, le juge de l’impôt a validé :
Cela signifie-il que le fait de revendiquer plusieurs fois l’exonération dans un laps de temps réduit constitue une manœuvre frauduleuse ?
A priori non : dans l’arrêt précité de la Cour administrative d’appel de Douai, l’application des majorations de 80% ne tenait pas au fait que le contribuable se soit prévalu de l’exonération à trois reprises en deux ans mais à la circonstance que ce dernier était incapable de démontrer avoir habité habituellement et effectivement dans les biens immobiliers cédés.
Qui plus est, la jurisprudence a rappelé à de multiples reprises que la brièveté de l’occupation à titre principal n’était pas de nature à remettre en cause l’exonération.
L’administration fiscale quant à elle prévient (BOI-RFPI-PVI-10-+40-10 n°180) : l’exonération est refusée lorsque l’occupation au moment de la vente répond à des motifs de pure convenance et notamment lorsque le propriétaire revient occuper le logement juste avant la vente pour les besoins de cette dernière.
Ces considérations étant faites, cela n’a pas empêché le juge de l’impôt, dans un arrêt étonnant (CE, 14-06-2023 n°461960), d’offrir à deux « marchands de biens » la possibilité de faire échec à la taxation à l’impôt sur le revenu en BIC et à l’assujettissement à la TVA en se prévalant du fait que ces biens avaient constitué leur résidence principale…
En l’occurrence, lesdits contribuables avaient procédé à neuf opérations d’achats de terrains et de reventes de maisons entre 1999 et 2012 tout en prenant soin d’y établir leur résidence habituelle et effective peu de temps avant la revente.
L’administration fiscale, suivie par la Cour administrative d’appel (CAA Bordeaux, 6 mai 2021, 19BX0455), avait logiquement conclu à l’existence d’opérations de marchands de biens et procédé à la taxation des gains correspondant à l’impôt sur le revenu en BIC ainsi qu’à des rappels de TVA.
En cause bien sûr, l’intention spéculative des contribuables qui faisait pourtant peu de doute tant le nombre des opérations d’achat-revente était important et prise en considération des circonstances suivantes :
Le Conseil d’Etat considère quant à lui que :
« Il résulte de ces dispositions que les bénéfices et le chiffre d’affaires réalisés à l’occasion de la cession d’immeubles sont imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et taxables à la taxe sur la valeur ajoutée, lorsque ces cessions sont faites par un contribuable qui se livre habituellement à l’activité de marchand de biens, sauf pour l’intéressé à établir soit que les immeubles qu’il a vendus avaient été acquis pour satisfaire des besoins personnels ou familiaux et, de ce fait, que leur vente relevait de la simple gestion de son patrimoine personnel, soit que les immeubles en cause constituaient sa résidence principale ».
« La seule circonstance qu’un contribuable procède à des acquisitions et cessions successives d’immeubles qu’il affecte à sa résidence principale, sans que l’administration fiscale n’établisse ni qu’il ne les aurait pas occupés à ce titre ni que ces opérations procédaient d’un abus de droit, ne saurait, compte tenu de l’exonération des plus-values de cession de résidence principale prévue par l’article 150-U du code général des impôts, caractériser une activité de marchand de biens. »
Est-ce dire que l’on peut échapper à l’imposition en BIC lorsque les immeubles vendus ont successivement constitué sa résidence principale ?
Prudence étant mère de sûreté, il convient de ne pas s’engouffrer dans la brèche, le Conseil d’Etat semblant fixer une limite : l’administration aurait pu rendre aux opérations ci-dessus décrites leur véritable qualification en se plaçant sous la procédure d’abus (ou de « mini » abus) de droit fiscal (Livre des Procédure Fiscales, articles L. 64 et L 64 A).
Pour cela, il aurait suffi de démontrer que les contribuables avaient établi leur résidence habituelle et effective dans les biens immobiliers cédés en vue (exclusivement ou principalement) d’éluder l’impôt sur la plus-value.
Or, rappelons que le cas échéant, des majorations au taux de 40% et 80% sont dues.
Contact
N’hésitez pas à faire appel à Maître Margaux DOSSIN-DISANT pour bénéficier de son expertise en droit fiscal et en droit des affaires. Son approche professionnelle, son engagement et sa connaissance approfondie du système juridique font d’elle un avocat de confiance à Lyon.
Contact