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Me Margaux Dossin-Disant

Conventions de management fees : la révolution 20 ans après




Quelles qu’en soient les raisons (opérationnelles, juridiques, fiscales, financières…), il est d’usage que les sociétés membres d’un même groupe se fournissent entre elles des prestations dans de nombreux domaines : administration générale (direction générale, financière, stratégique, coordination pour les actions opérationnelles et communication internationales, reporting …), juridique et fiscale, financier et comptable, informatique, commercial, technique, achats, RH …


Pour ce faire, sont mises en place des conventions d’assistance, couramment appelées convention de « management fees ».


Or, depuis l’arrêt SA Gamlor (CAA Nancy, 9-10-2003 n°98-2182) il y a 20 ans, la rédaction de ces conventions donne des sueurs froides aux professionnels du chiffre et du droit tant elles peuvent être synonyme de rappels fiscaux lorsqu’elles sont rédigées de manière trop aléatoire.


En synthèse, il découlait de la jurisprudence que :


  • C’est au dirigeant d’une société qu’il incombe d’exercer les fonctions de dirigeant.

  • Toute convention de sous-traitance de ces fonctions avec un tiers n’a pas lieu d’être.

Outre le risque pénal (abus de bien sociaux) eu URSSAFs, les conséquences financières associées à une telle remise en cause par l’administration fiscales sont particulièrement lourdes :

  • Rejet de la déductibilité des sommes versées par la société bénéficiaire des prestations.

  • Rejet de la déduction de la TVA ayant grevé les prestations.

  • Rappels de CVAE découlant des rectifications portant sur les charges déductibles du résultat imposable.

Certains craignaient également que la perte du caractère animateur de la société holding prestataire n’entraîne par effet ricochet la remise en cause de la réduction d’impôt IR-PME (CGI, art. 199 terdecies-0-A) ou celle de l’abattement fixe sur la plus-value réalisée par les dirigeants lors de leur départ en retraite (CGI, 150-0 D ter).


A la suite du juge de l’impôt, le juge civil donnait lui aussi le ton en annulant des conventions sur le fondement juridique de l’absence de cause (sous le visa de l’ancien article 1131 du Code civil).


  • Dans un arrêt Samo Gestion (Com, 14-9-2010 n°09-16.084) la convention de prestation de services avait pour objet « l’action commerciale, la gestion industrielle, la gestion des ressources humaines, la gestion administrative et financière, stratégie générale, prestation de direction ».

  • Dans un arrêt Mécasonic (Com. 23-10-2012, n°11-23.376), l’objet couvrait à la fois des fonctions de direction et des fonctions techniques : « des prestations consistant dans la création et le développement de filiales à l’étranger, l’organisation et/ou la participation à des salons professionnels, la définition de stratégie de vente dans différents pays visés et la recherches de nouveaux clients à l’étranger ».

Devant cet état jurisprudentiel, nombre de conseils avisés préconisaient au dirigeant commun à deux sociétés liées entre elles par une convention de management fees que les prestations déléguées se limitent à des prestations :

  • Uniquement techniques.

  • Qui puissent être justifiées par des éléments matériels (e-mails, comptes rendus…).

  • Et qui ne correspondent pas aux fonctions incombant normalement au dirigeant…

.. tout en veillant à ce que la rémunération des fonctions de direction au sein de la filiale ne soit pas excessive de peur que celle-ci ne soit jugée comme faisant double emploi avec les sommes facturées par la société mère à sa filiale !


Et en allant même jusqu’à rédiger, en sus de cette convention de management fees conclue à titre onéreux, une convention d’animation à titre gratuit.


D’autres décisions dans la lignée des arrêts Gamlor et Samo Gestion s’en sont suivies.

L’atteinte à l’autonomie du droit fiscal et à la liberté de gestion semblait définitivement consommée jusqu’à cet arrêt du 4 octobre dernier (CE, 4-10-2023 n°466887, Collectivision) dans lequel la Haute juridiction affirme sans ambages :


« La conclusion par une société d’une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d’une gestion commerciale anormale si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité, par le versement des honoraires correspondant à ces prestations, rémunérer indirectement le dirigeant et qu’ainsi ce versement n’est pas dépourvu pour elle de contrepartie, le choix d’un mode de rémunération indirect ne caractérisant pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt. »


Qui plus est :


« L’absence de versement, par une société, d’une rémunération à son dirigeant au cours d’un exercice ne constitue pas une décision de gestion faisant obstacle à la rémunération de ce même dirigeant, sur décision des organes sociaux compétents, au cours d’un exercice postérieur, le cas échéant à titre rétroactif, ou, au cours du même exercice, par l’intermédiaire d’une autre société ».


Dans l’attente de la publication des conclusions du rapporteur public et de l’arrêt de renvoi la Cour administrative d’appel de Marseille, il semble que 20 ans plus tard, le Conseil d’Etat rende au droit fiscal son autonomie et aux dirigeants la liberté de gestion que l’arrêt Gamlor leur avait pris.


Tout en ne perdant pas de vue qu’il conviendra toujours de pouvoir justifier de la réalité de ces prestations.


Le Cabinet est à votre disposition pour contester les redressements notifiés dans cette situation lorsque la prescription fiscale ne vous est pas pas opposable.






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